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Depuis désormais 3 ans, la Commission locale de l'eau (CLE), véritable Parlement de l'eau à l'échelle du bassin versant de la Vilaine élabore le prochain Schéma d'Aménagement et de gestion des Eaux (SAGE) de la Vilaine. L'ambition de ce futur règlement est de bénéficier demain d'une eau en qualité et en quantité suffisantes pour les milieux naturels et pour les activités humaines. La révision du SAGE- qui devrait s'achever fin 2025- offre une opportunité inédite pour réduire l'usage des pesticides de synthèse et améliorer ainsi la qualité de l'eau.
Sur le bassin versant de la Vilaine, l'accès à l'eau est de plus en plus préoccupant du fait de la présence de polluants tels que les pesticides de synthèse[1] et des impacts du changement climatique[2] puisque ce dernier va accroître le processus de concentration des polluants. Ce risque est majeur puisque sur la période 1980-2019, près de 12 500 captages d'eau potable - sur les quelque 33 000 que compte la France - ont déjà été fermés[3]. Or la concentration de polluants pourrait conduire à augmenter ces fermetures avec un impact dramatique pour la disponibilité de la ressource en eau.
Ce diagnostic est désormais largement partagé par l'ensemble des acteurs de l'eau et les habitants de notre territoire qui ont participé aux étapes de concertation proposées dans le cadre de la révision du SAGE vilaine.
Élus locaux, investis dans nos mairies et dans nos services publics de l'eau, nous sommes, au côté de scientifiques et médecins également préoccupés et mobilisés face à la présence des pesticides dans notre environnement et à leurs impacts sur la santé (cancers, maladies cardio-vasculaires, obésité, infertilité, …). La contamination des ressources en eau par les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées, ou « polluants éternels »), dont certaines sont d'origines agricoles laisse également présager des difficultés grandissantes pour assurer la production d'une eau de qualité suffisante.
Il est donc crucial d'accompagner la transformation des pratiques agricoles vers la diminution puis l'arrêt de l'usage des pesticides de synthèse sur les aires d'alimentation de captage.
Faire ce choix aujourd'hui, c'est décider de ne pas faire porter cette charge sur les générations futures.
Il est nécessaire d'accompagner encore davantage les agriculteurs et agricultrices vers des pratiques plus durables et cela d’autant plus que, conscients des multiples impacts sociétaux, environnementaux et sanitaires, de nombreux agriculteurs et agricultrices souhaitent s’en émanciper.
A la contrainte que suppose le renoncement à utiliser des pesticides pour certains agriculteurs et agricultrices, nous pouvons construire ensemble des politiques publiques qui proposent des réponses qui ne seront pas seulement techniques, mais qui engageront une reconception en profondeur de notre système alimentaire. Ces solutions existent : les Mesures Agro-Environnementales Climatiques, les Zones Soumises à Contrainte Environnementales, les Paiements pour Services Environnementaux, les Plans Alimentaires Territoriaux ou les Aménagements Fonciers Agricoles Forestiers et Environnementaux qui donnent plus de cohérence et la possibilité aux fermes d'allonger les rotations et de diversifier les assolements.
Nous sommes conscients qu'un changement de système et un abandon des intrants chimiques peut représenter une réelle prise de risque pour celles et ceux qui doivent conduire ces transformations à l'échelle de leur ferme et dans un contexte peu encourageant (revenus faibles, contrats de filières asymétriques et contraignants, offre de débouchés trop faible…). Parce qu'il n’est pas acceptable qu'une telle démarche remette en cause l’équilibre économique d'une ferme, nous pensons qu'aux dispositifs mentionnés précédemment pourrait également s’ajouter la création d'un fonds d'indemnisation où serait mis à contribution l'ensemble des filières et des pouvoirs publics. Ceci, afin d'assurer aux agriculteurs un soutien suffisant pour s'engager vers des pratiques vertueuses et massifier ainsi l'agroécologie sur nos territoires. Ces solutions doivent pleinement engager les filières amont et aval, notamment les entreprises de l'agroalimentaire et les acteurs de la grande distribution, trop souvent absents des négociations, que cela soit sur les questions de qualité de l'eau ou de la juste rémunération des agriculteurs.
Nous devons également sanctuariser et restaurer les zones humides, préserver le bocage et favoriser les systèmes agricoles basés sur les prairies naturelles. Les épisodes récents d'inondations sur le bassin versant de la Vilaine nous ont montré combien ces éléments sont précieux pour mieux réguler ces phénomènes climatiques extrêmes et assurer une bonne épuration naturelle de l'eau. De la même manière et afin de préserver nos capacités futures en matière d'approvisionnement en eau, nous devons limiter le recours au stockage de l'eau et accompagner la sobriété des usages, y compris dans nos choix en matière de production agricole.
En conclusion, et plutôt que de nous enfermer dans des dialogues de sourds entre agriculteurs, riverains, militants associatifs, élus, ce constat doit nous inviter à faire vivre le débat démocratique au sein de la Commission Locale de l'Eau du SAGE Vilaine. Mais ce dialogue, éclairé par des faits scientifiques et dans une perspective de long terme et de l’intérêt général, doit aussi nous conduire, en responsabilité, à soustraire nos aires d'alimentation de captage du danger que font peser ces polluants. Et c'est parce que c'est une responsabilité collective que nous devons mobiliser des moyens et des outils pour accompagner celles et ceux qui s'engagent déjà, comme les agriculteurs biologiques ou qui s'engageront demain vers une réduction de l'usage des pesticides de synthèse, en commençant par les herbicides. La nécessité de préserver nos aires d'alimentation de captage est d'ailleurs reprise par la proposition de loi « protéger durablement la qualité de l’eau potable » présentée par le Député de Loire-Atlantique Jean-Claude Raux et appuyée récemment par une tribune transpartisane de 150 élu.es de Loire-Atlantique[4].
Nous avons sur nos territoires, les moyens, les énergies et les outils pour mener des politiques plus volontaristes. Nous constatons des dynamiques qui montrent qu'il est possible de développer une agriculture qui protège le travail et la santé de celles et ceux qui nous nourrissent, qui protège l’environnement et crée des emplois. Nous sommes persuadés qu'il est possible d'atteindre le bon état des masses d'eau en sortant progressivement et définitivement de l'impasse des intrants chimiques sur nos aires d'alimentation de captage.
Elu.es locaux de différentes sensibilités politiques, issu.es de l'ensemble du territoire du bassin versant de la Vilaine, chercheurs et médecins investis sur les questions d'impacts environnementaux des pesticides de synthèse, nous soutenons une ambition forte sur la révision du règlement du SAGE Vilaine, pour ne plus faire porter aux générations futures les conséquences financières, environnementales et sanitaires de nos renoncements. Assumons de faire des choix qui nous engagent maintenant pour assurer à chacun la possibilité de bénéficier d'une eau en quantité et en qualité suffisante
Par un collectif d'Elu.es du SAGE Vilaine, de scientifiques et de médecins
Les premiers signataires élu.es:
Michel Demolder, Président de la Commission Locale de l'Eau, Président de la Collectivité Eau du Bassin rennais, Maire de Pont-Péan (35),
Marie-Edith Macé, agricultrice, Vice-présidente de la Collectivité Eau du Bassin rennais, adjointe au maire de Melesse (35),
Aurélie Mézière, maire de Plessé (44), conseillère communautaire de Redon Agglo, Vice-présidente 44 de Bruded et déléguée à la ruralité de l'AMF44
Fabrice Sanchez, Maire de Massérac (44), Vice-président de Redon Agglomération, Vice-président d'Alantic eau, Vice-président du SMP ouest 35, Président du copil Natura 2000 des marais de vilaine,
Nathalie Nowak, conseillère départementale des Côtes d'Armor, délégué à l'environnement (22),
Pascal Hervé, agriculteur, Vice-président de Rennes Métropole, Président de la SPL Eau du Bassin rennais, Vice-Président d'Eaux-et-Vilaine, adjoint au Maire de Laillé (35),
Bertrand Roberdel, Vice-président Arc Sud Bretagne, adjoint au maire de Billiers (56),
Stéphane Rouault, Vice-Président de Ploermel communauté, maire de Guillac (56),
Yann Soulabaille, Vice-Président du Conseil départemental d'Ille-et-Vilaine (35),
André Crocq, Conseiller régional de Bretagne, Vice-président de Rennes Métropole, Président du Pays de Rennes (35)
Ludovic Brossard, technicien agricole, élu Ville de Rennes, Vice-président de la collectivité Eau du bassin rennais (35)
Les premiers signataires scientifiques:
Cécile Chevrier, Epidémiologiste, directrice de recherche Inserm à l'Irset ( Institut de recherche en santé, environnement et travail)
Cécile Le Lann, Biologiste, Maître de Conférences au CNRS, Laboratoire ECOBIO_ UMR 6553 UR-CNRS de l'Université de Rennes
Pierre-Michel Périnaud, Docteur, Président de l'association "Alerte des Médecins sur les Pesticides"
Florence Habets, Hydroclimatologue, directrice de recherche au CNRS et professeure attachée à l'ENS,
Luc Aquilina, Hydrogéologue, professeur titulaire de la Chaire Eaux et territoires de la fondation de l'université de Rennes, laboratoire de Géosciences de l’Observatoire des sciences de l’université de Rennes (Osur)
Chantal Gascuel, Agronome, Directrice de recherche à l'INRAE / UMR SAS
Fariborz Livardjani, toxicologue, Université de Strasbourg
Christophe Piscart, Hydrobiologiste, Directeur de Recherche au CNRS, Laboratoire Ecobio à l'université de Rennes
Anne-Charlotte Vaissière, Docteur en économie au CNRS, UMR 6553 ECOBIO de l'université de Rennes
Jean-Raynald de Dreuzy, Hydrogéologue, directeur de Recherche, Equipe Eaux & Territoires à l'université de Rennes
Olivier Godinot, Agronome, Maître de conférences en agronomie à Institut Agro / UMR SAS
Julia Denantes, Docteur en économie agricole, UMR SMART de Rennes
Estelle Michelet, médecin généraliste, Fouesnant (29)
Lylian Le Goff, médecin généraliste, Lorient (56)
Martin Molina, médecin généraliste, Rennes (35)
[1] En Bretagne, 99% des eaux brutes sont contaminés par les pesticides avec une omniprésence des herbicides et des métabolites, Observatoire de l'Environnement en Bretagne https://bretagne-environnement.fr/tableau-de-bord/pesticides-dans-les-cours-deau-bretons-analyse-de-levolution-annuelle-depuis-1995
[2] Observatoire de l'Environnement en Bretagne https://bretagne-environnement.fr/article/secheresses-en-bretagne-vulnerabilites-et-changement-climatique
[3] Rapport interministériel de l’agriculture, de la santé et de la transition écologique, juin 2024
[4] En Loire-Atlantique, 150 élus de tous bords politiques appellent à protéger l’eau potable des pesticides Le Monde, février 2025 https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/02/06/en-loire-atlantique-un-appel-transpartisan-des-elus-pour-proteger-l-eau-potable-des-pesticides_6534980_3244.html