A la rentrée, suite à des dégradations matérielles ayant eu lieu durant l'été à la FST, le doyen a annoncé une réponse sécuritaire, faisant appel aux vigiles et à la police, et annonçant l'installation de 60 caméras sur le seul site de la FST. Il existe déjà 200 caméras installées sur l'ensemble des sites de l'UL, représentant un total de 568 vues. est de plus de 1 million d'euros. Pour la FST, le budget alloué à la vidéosurveillance dans le plan de sureté est de plus de 300 000€.
Au vu de l'austérité budgétaires imposée aux Universités (le budget 2025 de l'UL présentait un déficit de 15 millions d'euros, voir l'interview de la Présidente sur Médiapart, 2 décembre 2024), on est en droit de se demander si cet argent ne pourrait pas être mieux utilisé . Par exemple, en ne surbookant pas les salles de TP et les amphis ; en réparant et prévenant les fuites dans les plafonds ; en cessant la contractualisation précarisante de l'enseignement et de la recherche ; en embauchant plus de psychologues pour répondre à la crise de la santé mentale des étudiant.e.s...
Caméras de surveillance à la FST : arrêtons de nous faire des films !
On manque de chiffres et de recul sur la justification des besoins en vidéosurveillance, surtout de cette ampleur, à la FST. En l'absence de données, la décision d'installer des caméras n'est pas rationnelle mais idéologique - un comble pour des scientifiques !
Quel est le bénéfice prétendu des caméras ? Résoudre des enquêtes de police, concernant par exemple les vols et dégradations. Or, à l'UL, les demandes d’accès aux vidéos donnent déjà trop de travail aux quelques personnels habilités. Par exemple pour les vols de trottinettes et vélos, la police refuse d'extraire les images elle-même, obligeant le personnel de l'UL à réaliser ce long et fastidieux travail de visionnage. C'est donc de la démagogie de faire croire que mettre des caméras permettra d'identifier plus facilement les voleurs. Le rachat des vélos volés par l'UL (environ 50€ chez ) plutôt que de surveiller reviendrait beaucoup moins cher...
Quel coût pour quel résultat ? Qu'en dit la littérature scientifique ?
De manière plus générale, l'efficacité de la vidéosurveillance, quand elle est évaluée à partir des données objectives, semble très faible. D'après une évaluation qui semble être une des seules études sur l'utilité de la vidéosurveillance en France, "la vidéoprotection publique ne bénéficie pas notablement au travail d’enquête judiciaire". Sur les données analysées, seules 5,87% des enquêtes élucidées ont bénéficié de l'utilisation de la vidéosurveillance, ce qui correspond à 1,14% du total des enquêtes (Gormand, 2021). Une étude réalisée dans 336 universités aux États-Unis a montré que la vidéosurveillance avait "peu ou pas d'impact" sur la survenue des crimes sur les campus (Liedka et al. 2016). Ni dissuasion, ni aide à l'élucidation des enquêtes ? Mais à quoi peuvent donc bien servir les caméras ?
Ce que nous risquons avec la vidéosurveillance : surveillance au travail et montée de l'extrême droite
La montée de l'extrême droite exige de protéger les libertés de rassemblement, de circulation, de mobilisation, plutôt que de préparer le terrain pour une éventuelle prise de pouvoir. Même quand nous n'avons rien à nous reprocher d'un point de vue légal, nous avons toutes et tous une vie privée que l'université n'a pas à connaître. De plus, la légalité peut évoluer en fonction des régimes politiques, et les systèmes de surveillance en place peuvent être adaptés à la répression lors d'un changement de politique (voir par exemple Amnesty, 21 août 2025).
Au-delà de la légalité, l'UL n'a pas à contrôler les allées et venues de ses employé.es et étudiant.es. La surveillance peut entraîner un des conséquences sur la santé mentale et modifier les comportement (Murray et al. 2023 ; Seymour et al. 2024), en particulier pour les personnes engagées, syndiquées, usant pourtant de leurs droits. La surveillance peut ainsi être un premier bâillon à la réflexion collective et à la contestation légitime, donc à la démocratie. A l'UL, des dérives illégales de l'utilisation des images de vidéosurveillance ont déjà été constatées, avec notamment la surveillance des pauses d'employé.e.s et A l'université Paris-Nanterre, la direction de la sécurité a surveillé les syndicats étudiants notamment en utilisant les caméras de "vidéoprotection" (StreetPress, 15 mai 2025). Plus largement, avons-nous envie d'avoir des outils nous aidant à nous surveiller entre nous, souhaitons-nous développer ce rapport aux autres ?
Il faut qu'on parle - nous avons besoin d'espaces et de lieux pour parler de la vidéosurveillance
On constate l'absence d'espaces de discussion démocratique autour de ce sujet, en France en général et à l'UL en particulier : un groupe de travail a été constitué il y a plus d'un an et demi, mais n'a été consulté que deux fois. Les décisions à propos du plan de sureté de l'UL ont été prises sans prendre en compte l'avis des usagers de la FST, ni de leurs représentant.es. Or la science ne peut avancer que de manière démocratique et nos Universités devraient être exemplaires sur cet aspect.
Nous appelons donc à se poser les bonnes questions et à se méfier des discours dramatisant la situation afin de nous faire accepter des mesures inefficaces et coûteuses, à la fois financièrement mais aussi pour nos propres libertés et notre rapport aux autres.
En signant cette pétition, je soutiens l'initiative présentée ci-dessus.
Références :
Médiapart, Mathilde Goanec, 2 décembre 2024, Université : « Ce n’est plus un effort qui nous est demandé, c’est une saignée »
Liedka, Raymond. V., Meehan, Albert. J., & Lauer, Thomas. W. (2016). CCTV and Campus Crime: Challenging a Technological “Fix”. Criminal Justice Policy Review, 30(2), 316-338. https://doi.org/10.1177/0887403416664947
Streepress, Romain Ferrier, 5 mai 2025, Filatures et caméras, l’université Paris-Nanterre a espionné des syndicalistes étudiants
Kiley Seymour, Jarrod McNicoll, Roger Koenig-Robert, Big brother: the effects of surveillance on fundamental aspects of social vision, Neuroscience of Consciousness, Volume 2024, Issue 1, 2024, niae039, https://doi.org/10.1093/nc/niae039
Daragh Murray, Pete Fussey, Kuda Hove, Wairagala Wakabi, Paul Kimumwe, Otto Saki, Amy Stevens, The Chilling Effects of Surveillance and Human Rights: Insights from Qualitative Research in Uganda and Zimbabwe, Journal of Human Rights Practice, Volume 16, Issue 1, February 2024, Pages 397–412, https://doi.org/10.1093/jhuman/huad020